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représentation de 1888
représentation 1878
Adolphus Trolloppe
Luzel et Morlaix

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Sainte Tryphine et le roi Arthur
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Sainte Tryphine et le Roi Arthur


Un théâtre oublié
Madeleine Louarn


Comme un prolongement
Le Théâtre de l'Entresort et la Compagnie Catalyse du CAT "Les Genêts d'or" travaillent ensemble depuis de nombreuses années et ont choisi de présenter le mystère de Sainte Tryphine et le roi Arthur pour la réouverture du théâtre de Morlaix.
Par le passé, cette collaboration nous a conduit à explorer les contes bretons de François-Marie Luzel, dans Le Pain des âmes, puis le théâtre d'artisans, dans Le Jeu du songe d'après Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Aujourd'hui, nous réunissons, dans ce mystère, deux éléments importants de notre chemin artistique : un intérêt pour les textes issus de la tradition orale bretonne et les questions liées à la représentation théâtrale et à ses origines populaires.
Françoise Morvan est la bonne fée qui a été à la source de chacune de ces créations. Elle a adapté la pièce à partir du texte français de Luzel, réduisant les seize heures de représentation à une pièce de deux heures. En privilégiant la dynamique du récit, en réduisant les monologues, elle a conservé à ce mystère tout son relief pour en restituer l'essence. De scènes hiératiques et imposantes, nous passons à de véritables morceaux de comédie. La langue, musculeuse, sonore, garde une intimité avec le breton. Le chant, la musique sont des éléments constitutifs de la pièce. Ils ouvrent des espaces de jeu pour les acteurs, mettent en évidence la complète porosité entre le répertoire chanté et le théâtre scandé. Yann-Fanch Kemener apporte, à cet endroit, une contribution essentielle.

Avec Catalyse
S'il est une chose qui ne va pas de soi, c'est bien de proposer aux regards le jeu râpeux, la présence décalée et concentrée des acteurs de Catalyse. Au-delà des préjugés et des inquiétudes, somme toute naturelles, le spectateur se trouve face à une surprise, à un déplacement souvent déstabilisant. Comment faut-il voir et entendre ce théâtre ? Une action sociale de réhabilitation (d'intégration ? ), un acte de soin ? Un défi pour surmonter le handicap ?
Il est difficile de recevoir ce théâtre s'il n'y a pas eu dégagement de ces questions. C'est-à-dire supposer que ces personnes à part entière n'ont rien à prouver de plus ou de moins que les autres. Que ce qui les distingue est aussi ce qui les rend intéressants. La légèreté de la mémoire, la diction particulière, la trace de l'effort pour être là, la conscience décalée donnent à voir quelque chose de la performance, c'est-à-dire du risque, du danger encouru par l'acteur face à cette épreuve de l'exposition. Il donne à voir la relativité de la condition humaine et déjoue définitivement la posture d'autorité de celui qui se présente à nous, orgueilleusement, pour nous parler.
Lorsque ce décalage opère, il saisit le spectateur dans son humaine fragilité, lui rappelle la beauté et la profondeur d'y faire face, et d'être debout devant sa peur, comme dirait Tadeus Kantor. Par la vertu spécifique au théâtre, ce face à face nous réconcilie avec nous-mêmes.
La beauté de ce geste théâtral est de réactiver les éléments essentiels qui font la puissance du théâtre (et, lorsqu'il échoue, son insupportable vanité) : une expérience de l'incarnation et des corps parlants, une expérience du temps.
Le genre du mystère de Sainte Tryphine et le roi Arthur convient bien au style de jeu des acteurs de Catalyse. Les défauts jouxtent avec la grâce. Le style et le texte de la pièce réclament des acteurs une présence massive et impressionnante. Quelque chose d'une authenticité, d'un geste entier et net se joue là : trouver l'évidence. Cette question se pose à tous les acteurs présents sur scène et pas seulement à ceux de Catalyse puisque nous avons demandé à d'autres acteurs de nous accompagner. Cette mixité au plateau est toujours délicate car source de déséquilibre de part et d'autre, mais, par dessus tout, elle est très stimulante et apporte un esprit, une posture au travail favorable à la création.

Mettre en scène un mystère
Si, aujourd'hui, nous sommes très loin de l'enthousiasme que la foi insufflait aux représentations, il nous reste les traces d'une genèse du théâtre, d'une poésie ample et complexe. Le texte scandé par un rhapsode, les postures hiératiques et les gestes amples nous signifient que ce théâtre ne se soucie pas du réalisme et de la vraisemblance. Il pratique une stylisation, une épure qui fait, sur ce point, écho aux modes de représentations contemporaines. L'émotion se niche dans la beauté du geste et de la parole. Pour autant, ce théâtre d'empathie, de communion, est à mille lieues du théâtre réflexif d'aujourd'hui.
Mettre en scène, aujourd'hui, une telle pièce n'est certes pas guidé par l'idée de reconstituer le théâtre d'alors mais bien par celle de trouver comment ce récit contient des événements théâtraux toujours susceptibles de nous émouvoir. On voit que ce théâtre est écrit pour être joué car les situations, les tours sont complètement matière d'acteur, parlent cette écriture spécifique qui est celle du théâtre. Il réactive aussi une question sur la nature du jeu des acteurs.
Quels sont aujourd'hui les équivalents de ce style, sa traduction moderne ? La scénographie nous donne en partie la réponse. La grande diversité des lieux dans la pièce nous a conduit à créer un espace mobile, très stylisé qui, plutôt que de dire les lieux, donnerait aussi, par ses mouvements, ceux de l'âme des deux protagonistes : Kervoura et Tryphine.
C'est un enjeu pour chacun des acteurs que de chercher la simplicité et aussi la distance qui nous séparent de l'époque de ce théâtre. Il s'agit d'effacer un peu du ridicule qui a été associé à ce vieux théâtre et d'en donner, avec tendresse, avec gravité et conviction, les émerveillements, les rires et les drames. Quelque chose du charme d'un temps ancien qui nous parle de l'enfance du théâtre.